Dans notre société moderne, le vieillissement de la population est un phénomène incontournable qui soulève de nombreuses questions sur la manière dont nous prenons soin de nos aînés. Parmi ces interrogations, une problématique se démarque particulièrement : celle de la tendance à traiter les personnes âgées comme des enfants.
Bien que souvent motivée par de bonnes intentions, cette attitude peut avoir des conséquences néfastes sur leur bien-être et leur autonomie. Quelles sont les raisons qui conduisent à cette approche ? Quels en sont ses effets potentiellement négatifs ? Existe t-il des alternatives qui s’offrent à nous pour mieux accompagner nos aînés dans leur vieillissement ?
La tendance à traiter les seniors comme des enfants comme réflexe de protection
Les origines de cette attitude
La tendance à infantiliser les personnes âgées trouve ses racines dans un réflexe de protection bien compréhensible. Face au déclin physique et parfois cognitif qui accompagne le vieillissement, les proches et les aidants familiaux ont tendance à vouloir prendre en charge de plus en plus d’aspects de la vie quotidienne des seniors.
Cette attitude part d’un bon sentiment : celui de vouloir protéger et soulager nos aînés des difficultés liées à l’âge.
Les manifestations de cette approche
Cette façon de voir les choses peut prendre diverses formes.
Elle peut se manifester dans le langage, avec l’utilisation d’un ton condescendant ou de diminutifs infantilisants.
Elle peut également se traduire par une tendance à prendre des décisions à la place de la personne âgée, que ce soit pour des choix du quotidien ou des décisions plus importantes concernant sa santé ou son lieu de vie.
Enfin, elle peut se concrétiser par une limitation excessive des activités et des responsabilités confiées aux seniors, sous prétexte de les protéger.
Les arguments en faveur de cette approche
Cette attitude est souvent inconsciente et ceux qui ont tendance à appliquer cette approche avancent plusieurs raisons. Tout d’abord, ils soulignent que les personnes âgées sont plus vulnérables et ont besoin d’une protection accrue.
Ils mettent en avant les risques liés à certaines activités qui peuvent, pour certaines, devenir dangereuses ou risquées avec l’âge.
En outre, il est souvent mis en avant qu’une prise en charge allégée permet aux seniors de se reposer et de profiter de leur retraite sans avoir à se soucier des tracas du quotidien.
Les bénéfices apparents
À court terme, cette approche peut sembler bénéfique. Elle peut effectivement réduire certains risques immédiats et soulager les personnes âgées de certaines tâches devenues difficiles.
Elle permet également de rassurer les proches, qui ont le sentiment de bien prendre soin de leurs aînés en les protégeant de tout danger potentiel.
Les dangers de cette approche
Les effets négatifs sur l'autonomie
Cependant, cette approche comporte de sérieux inconvénients.
Le principal danger est l’accélération de la perte progressive d’autonomie qu’elle entraîne. En privant les personnes âgées de la possibilité de prendre des décisions et d’effectuer certaines tâches par elles-mêmes, on les rend de plus en plus dépendantes.
Cette dépendance peut s’installer insidieusement, même dans des domaines où la personne âgée serait encore tout à fait capable d’agir seule.
L'impact sur l'estime de soi
Cette approche peut par ailleurs avoir un impact dévastateur sur l’estime de soi des seniors.
Se sentir traité comme un enfant alors qu’on a vécu une vie d’adulte responsable peut être profondément humiliant et dévalorisant. Surtout lorsque les capacités cognitives et la mémoire sont encore vives.
Cette atteinte à l’estime de soi peut à terme conduire à un repli sur soi, voire à une dépression, aggravant ainsi les problèmes liés au vieillissement, au lieu de les atténuer.
La perte de stimulation cognitive
En limitant les activités et les responsabilités des personnes âgées, on les prive également d’une stimulation cognitive essentielle.
Or, il est prouvé que le maintien d’activités intellectuelles et sociales joue un rôle crucial dans la prévention du déclin cognitif. La tendance à les traiter comme des enfants peut donc paradoxalement accélérer ce déclin qu’elle prétend prévenir.
Le risque d'isolement social
Cette attitude peut également conduire à un isolement social accru des seniors.
En les considérant comme incapables de participer pleinement à la vie sociale, on risque de les exclure progressivement des interactions et des activités qui pourraient pourtant leur être bénéfiques.
Vers un accompagnement respectueux et stimulant
Face aux dangers de cette attitude, il est crucial de repenser notre approche du vieillissement.
L’objectif doit être de trouver un équilibre entre la nécessaire protection des personnes âgées, et le respect de leur autonomie et de leur dignité.
Voici quelques pistes pour y parvenir :
Favoriser l'autonomie décisionnelle
Il est essentiel de maintenir autant que possible la capacité des seniors à prendre leurs propres décisions.
Cela implique de les consulter systématiquement sur les choix qui les concernent, même si cela prend plus de temps. Il faut résister à la tentation de décider à leur place, sauf en cas d’absolue nécessité.
Adapter l'environnement plutôt que restreindre les activités
Au lieu d’interdire certaines activités jugées risquées, il est préférable d’adapter l’environnement pour les rendre plus sûres.
Par exemple, plutôt que d’empêcher une personne âgée de cuisiner, on peut équiper sa cuisine d’ustensiles adaptés et sécurisés.
Encourager l'utilisation des technologies adaptées
Les nouvelles technologies offrent de nombreuses solutions pour faciliter le quotidien des seniors tout en préservant leur autonomie.
Des applications pour smartphone aux systèmes domotiques, en passant par les dispositifs de télésurveillance, ces outils peuvent apporter une aide précieuse sans être intrusifs.
Maintenir une stimulation cognitive et sociale
Il est crucial d’encourager les personnes âgées à maintenir des activités intellectuelles et sociales.
Cela peut passer par la participation à des clubs, des ateliers, ou simplement par le maintien de liens sociaux réguliers avec la famille et les amis.
Valoriser l'expérience et les compétences de nos aînés
Plutôt que de se focaliser sur la perte de certaines de leurs capacités, il faut valoriser l’expérience et les compétences des personnes âgées.
Cela peut se traduire par la sollicitation de leurs conseils, leur implication dans des projets familiaux ou communautaires, ou encore la transmission de leurs savoirs aux plus jeunes générations.
Former et sensibiliser les aidants
Il est important de former et de sensibiliser les aidants familiaux et professionnels aux dangers de cette attitude et aux meilleures pratiques pour accompagner les seniors. Cela peut passer par des formations, des groupes de parole ou des guides pratiques.
Promouvoir une vision positive du vieillissement
Plus largement, il est nécessaire de promouvoir une vision plus positive du vieillissement dans notre société.
Cela implique de lutter contre les stéréotypes âgistes et de mettre en avant les aspects positifs de l’avancée en âge, comme la sagesse, l’expérience et le temps disponible pour de nouvelles activités.
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Un nouveau paradigme du vieillissement
La tendance à infantiliser nos aînés, bien que souvent motivée par de bonnes intentions, comporte de sérieux risques pour leur bien-être et leur autonomie. Il est temps de repenser notre approche du vieillissement pour adopter une attitude plus respectueuse et stimulante envers nos aînés.
Cette nouvelle approche doit se fonder sur le respect de l’autonomie des personnes âgées, tout en leur apportant le soutien dont elles ont besoin. Elle implique de les considérer comme des adultes à part entière, capables de prendre des décisions et d’apporter leur contribution à la société.
L’utilisation judicieuse des nouvelles technologies, l’adaptation de l’environnement, le maintien d’une stimulation cognitive et sociale, et la valorisation de l’expérience des seniors sont autant de pistes à explorer pour favoriser un vieillissement actif et épanouissant.
En tant qu’aidants familiaux ou proches de personnes âgées, notre rôle n’est pas de décider à leur place ou de les surprotéger, mais de les accompagner dans leur parcours de vieillissement, en les guidant vers les solutions qui leur permettront de conserver leur autonomie le plus longtemps possible.
Ce changement de paradigme nécessite un effort collectif : des familles, des professionnels de santé, des pouvoirs publics et de la société dans son ensemble. C’est à ce prix que nous pourrons construire une société véritablement inclusive, où chaque étape de la vie, y compris la vieillesse, est vécue dans la dignité et l’épanouissement.
Alors, plutôt que de traiter nos aînés comme des enfants, apprenons à les accompagner avec respect et bienveillance dans cette nouvelle étape de leur vie. Car après tout, le vieillissement n’est pas une régression vers l’enfance, mais bien une progression continue dans le voyage de la vie.
Si ce sujet vous intéresse, n’hésitez pas à consulter les documents et articles suivants :
- Une étude de l’OMS sur le vieillissement et la santé dans le monde, qui compare différentes approches culturelles :
Cliquer ici. - Extrait du livre ‘Vieilleisse et culture. Du bon usage des personnes âgées’, par Léandre Nshimrimana. Cliquer ici.
- Article ‘L’infantilisation de la personne âgée en établissement gériatrique’, par Sophie Laublin. Cliquer ici.
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